Le 9 septembre 2024, Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne, a remis à Ursula von der Leyen un rapport stratégique sur l’avenir de la compétitivité de l’Europe. Ce document, riche en recommandations, vise à positionner l’Union européenne comme un leader mondial face aux transformations économiques et technologiques actuelles. Ce rapport est particulièrement pertinent au regard des défis mondiaux tels que la transition écologique, la révolution numérique, et les changements géopolitiques qui affectent la croissance et la stabilité économique. Voici un aperçu des principaux axes présentés dans le rapport et des solutions proposées pour réinventer l’économie européenne.
Un Nouveau Paysage Économique pour l’Europe : Défis et Opportunités
Le rapport commence par dresser un constat préoccupant : la croissance européenne est en ralentissement. Malgré un modèle économique qui combine ouverture, concurrence et cadre juridique solide, l’Union a du mal à maintenir son dynamisme face aux États-Unis. Comme le souligne le rapport : « Le fossé de productivité entre l’UE et les États-Unis ne cesse de se creuser, compromettant notre capacité à atteindre nos ambitions de développement ». Cette situation est exacerbée par un manque de coordination entre les États membres et par des processus décisionnels souvent trop longs. Le rapport appelle donc à une modernisation des infrastructures et à une harmonisation des règles pour créer un environnement plus favorable à la croissance économique.
Pour redynamiser l’économie, le rapport met en avant l’importance de renforcer la compétitivité des entreprises européennes, notamment en allégeant la bureaucratie et en favorisant l’innovation. En outre, il insiste sur le besoin de politiques industrielles communes afin de maximiser l’efficacité des ressources disponibles. Le rapport propose également de stimuler les investissements en infrastructures numériques et physiques, indispensables pour attirer de nouveaux acteurs économiques et créer des synergies au sein de l’Union européenne.
Combler le Fossé de l’Innovation en Europe : Priorité à la Technologie
L’Europe souffre d’un retard significatif dans les technologies numériques, en particulier par rapport aux États-Unis et à la Chine. Alors que 70 % des modèles d’intelligence artificielle ont été développés aux États-Unis depuis 2017, l’UE reste à la traîne. Le rapport préconise d’accélérer l’adoption de ces technologies tout en intégrant l’IA dans les secteurs industriels où l’Europe a encore un avantage : « L’Europe doit capitaliser sur les prochaines vagues d’innovation numérique pour maintenir sa position économique ». Pour cela, il est essentiel de créer un écosystème favorable à l’innovation, qui comprend à la fois un financement adéquat, une réglementation plus flexible et une coopération accrue entre les universités, les centres de recherche et les entreprises.
Le rapport souligne l’importance de la création d’une « agence européenne pour l’innovation de rupture », dont le rôle serait de soutenir les projets innovants à fort potentiel et de garantir leur mise en œuvre sur le marché. L’objectif est de rivaliser avec les États-Unis et la Chine en matière de technologies de pointe, en favorisant l’essor des start-ups et en encourageant les investissements privés dans des secteurs stratégiques tels que l’intelligence artificielle, la robotique, la biotechnologie, et les technologies vertes. Une attention particulière est accordée à la nécessité de combler le fossé de compétences, en formant une main-d’œuvre qualifiée capable de s’adapter aux nouvelles technologies.
Transition Écologique et Compétitivité : Réformer pour Réussir
La transition écologique est une priorité pour l’Union européenne, mais elle ne doit pas se faire au détriment de la compétitivité industrielle. Le rapport appelle à une réforme du marché de l’électricité pour découpler les prix des énergies renouvelables de ceux des combustibles fossiles. Cette approche permettrait de « réduire les coûts pour les industries et favoriser une énergie propre ». L’Europe est déjà un leader mondial en technologies vertes, telles que l’énergie éolienne et solaire, mais elle doit encore faire des progrès pour sécuriser son approvisionnement énergétique et baisser les coûts de l’énergie.
Le rapport propose également de renforcer les mécanismes de soutien à l’innovation dans les technologies vertes, afin de créer un marché intégré des énergies renouvelables à l’échelle européenne. Cela inclut la mise en place d’incitations financières pour les entreprises qui investissent dans des technologies propres et la création de partenariats public-privé pour le développement de nouvelles infrastructures énergétiques. L’accent est mis sur la nécessité de garantir une transition juste, en s’assurant que les bénéfices de la transition écologique profitent à tous les citoyens, en particulier les plus vulnérables, et que les emplois créés dans les secteurs verts soient accessibles à un large éventail de travailleurs.
Renforcer la Sécurité Économique et Réduire les Dépendances
Pour assurer une croissance durable, l’Europe doit renforcer sa sécurité économique. Le rapport propose de créer des partenariats industriels stratégiques afin de sécuriser l’approvisionnement en matières premières critiques, en particulier dans les secteurs de la défense et des technologies spatiales. La dépendance européenne à l’égard de certains pays pour des ressources clés, comme les terres rares et les semi-conducteurs, est un risque majeur pour sa souveraineté économique. Le rapport recommande de développer des chaînes d’approvisionnement plus résilientes et diversifiées, en collaborant avec des partenaires internationaux de confiance et en investissant dans l’extraction et le traitement des ressources au sein de l’Union.
Le renforcement de la sécurité passe également par une meilleure coopération en matière de défense. Le rapport suggère de créer un cadre commun pour la production et l’acquisition d’équipements de défense, afin de réduire la fragmentation de l’industrie de la défense en Europe et de maximiser l’efficacité des dépenses militaires. En outre, il propose de développer une stratégie spatiale européenne cohérente pour garantir l’accès aux technologies et infrastructures spatiales qui sont devenues essentielles pour la sécurité et la compétitivité économique.
Financement de la Compétitivité Européenne : Investissements Stratégiques
Pour atteindre ses objectifs de transition écologique et numérique, l’Europe doit augmenter son taux d’investissement. Le rapport recommande d’améliorer la productivité pour dégager de l’espace budgétaire et soutenir ces investissements massifs. « Si l’Europe veut rester compétitive, il faut impérativement financer l’innovation », insiste Mario Draghi. Le financement de la compétitivité nécessite une approche intégrée, combinant des fonds publics et privés. Le rapport préconise d’élargir le budget du programme-cadre de recherche et d’innovation de l’UE, en le portant à 200 milliards d’euros sur sept ans, afin de soutenir les projets à fort impact.
Le rapport insiste également sur l’importance d’une Union des marchés des capitaux pour faciliter l’accès au financement des entreprises innovantes. Une telle union permettrait de mobiliser des ressources à travers toute l’Europe et de les orienter vers les secteurs stratégiques qui en ont le plus besoin. Cela inclut également la création de mécanismes de financement spécifiques pour les petites et moyennes entreprises (PME), qui représentent une grande part de l’économie européenne mais ont souvent des difficultés à accéder aux financements nécessaires pour se développer et innover.
Gouvernance Européenne : Simplification et Coordination pour une Croissance Accélérée
Enfin, le rapport critique la lenteur des processus décisionnels de l’UE et plaide pour une meilleure coordination entre les États membres. Réduire les obstacles réglementaires et harmoniser les politiques industrielles apparaissent comme des conditions nécessaires à la croissance de l’Union. Le rapport propose de réformer les institutions européennes pour les rendre plus réactives et capables de prendre des décisions rapides face aux défis mondiaux. Une meilleure coordination est essentielle pour éviter les duplications d’efforts et maximiser l’impact des politiques publiques.
Le rapport suggère également de renforcer le rôle de la Commission européenne en tant qu’organe de coordination, tout en donnant plus de marge de manœuvre aux États membres pour expérimenter des politiques adaptées à leurs besoins spécifiques. L’idée est de créer un équilibre entre une action commune et une flexibilité nationale, afin de garantir une mise en œuvre efficace des réformes. La simplification administrative est un autre point clé : la nomination d’un « commissaire européen à la simplification » est proposée pour superviser les efforts de réduction de la bureaucratie et d’amélioration de l’environnement des affaires.
Ces recommandations, si elles sont mises en œuvre, pourraient permettre à l’Europe de retrouver une position de leader mondial, tout en assurant une transition écologique et technologique durable et inclusive. Le rapport de Mario Draghi représente une feuille de route ambitieuse pour renforcer la compétitivité européenne, avec une vision intégrée des défis économiques, sociaux et environnementaux auxquels l’Union est confrontée.